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RDC : Arrivée du Pape en RDC, quoi attendre ? 

By on 30 janvier 2023 0 131 Views

Le pape arrive ! Après le report de l’année passée, cette fois-ci c’est le bon. Vatican News l’a confirmé. Il sera présent au pays de Lumumba au cours de la période du 31 janvier au 3 février 2023. Et Kinshasa se prépare. Comme dans ses habitudes lors des visites de cette ampleur (cf. notamment l’arrivée du Roi de la Belgique l’année passée), il tente de mettre ses plus beaux habits – comme si la visite papale est la seule raison pour que la ville soit propre.

Du point de vue religieux, cette visite s’avère enthousiasmant, légitime et revigorant dans un pays où 47,3% de la population sont catholiques en 2021, selon le Report on International Religious Freedomdu US State Department (Département d’Etat des Etats-Unis d’Amérique). Ce chiffre est également proche de celui de Pew Research Center (47%). Légitime aussi parce que, dans un tel contexte, la dernière visite d’un souverain pontife remonte aux années 1980, avec la visite de Jean-Paul II. Revigorant, oui.

Dans un pays où le catholicisme est en concurrence avec d’autres religions, la présence de cet homme de l’église va probablement booster cette confession religieuse. Cette conviction provient de la conclusion de l’étude notamment de Egidio Farina et Vikram Pathanie. Ces derniers ont montré que les visites papales entraînent une augmentation de la fréquentation des églises. Et peut-être même l’adhésion à cette foi.

Il serait naïf de croire que le gouvernement qui s’active au tour de ce voyage ne cherche pas à capitaliser dessus. On peut y voir une visite «officielle» d’un Chef d’Etat, par n’importe lequel. Ce qui peut s’interpréter dans le narratif comme un Congo qui attire, un Congo fréquenté. Au-delà de cette opération de charme, on peut encore y voir une opportunité pour ce Congo sanglant et meurtri de mettre l’accent sur cette situation. Un Pape dans un pays comme celui-ci ne manquera pas de mettre le doigt sur cette situation injuste, particulièrement pour la population de ce pays. Peut-être que ça fera l’actualité des médias internationaux.

De toute évidence, ce sont des choses qui sautent aux yeux. En 1850, Frédéric Bastiat avait écrit un pamphlet intitulé « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas ». Les deux précédents paragraphes de cette chronique renvoient naturellement à la première partie de ce titre. Mais qu’est-ce que l’on ne voit pas avec l’arrivée du souverain pontife ? Un détour dans la science économique permet d’anticiper des effets possibles de cette visite. Eu égard à la situation particulière à l’Est du pays, les travaux récents de Marek Endrich et Jerg Gutmann font écho à quelque chose qui peut découler de cette visite. Ces deux chercheurs ont montré qu’il existe une interaction stratégique entre l’Église catholique et le gouvernement (pays hôte en dehors de l’Italie). Ils testent empiriquement l’hypothèse selon laquelle les gouvernements réagissent en prévision d’une visite papale en améliorant la protection des droits de l’homme. L’existence d’un tel effet causal est étayée par les données couvrant la période allant de 1964 à 2017 et portant sur 145 pays.

Il est donc possible d’assister à un comportement exemplaire par rapport aux droits de l’homme ou un accent plus prononcé de l’Etat à ce sujet au courant de cette période ou juste après. Sinon, la RDC pourrait être l’exception qui confirme la règle. Pour l’instant, la situation du pays est loin d’être la bonne au sujet des droits de l’homme : selon l’Indice des droits de l’homme et de l’état de droit du Fund for Peace, en 2022, la RDC se classe en 7ème position comme un des pires pays où ces droits ne sont pas respectés avec une note de 9,3 sur 10 (plus la note est élevée, plus la situation est mauvaise). Les autres indicateurs relatifs à cette thématique convergent unanimement.

Une autre chose que l’on ne voit pas a priori a été documentée par Egidio Farina et Vikram Pathanie. Ces économistes ont considéré les déplacements du pape dans les provinces italiennes entre 1979 et 2012. Ils constatent une diminution de 10 à 20 % du nombre d’avortements dès le troisième mois de sa visite. Cet effet persiste jusqu’au 14e mois après les visites papales. Ils trouvent également que, lors de ses visites, la baisse des avortements est plus importante lorsque le pape mentionne l’avortement dans ses discours. Cette question de l’avortement nous plonge naturellement au cœur de la problématique de la fécondité. Or, la recherche des économistes Vittorio Bassi et Imran Rasul est intimément liée à cette problématique de manière très directe.

Ces deux chercheurs ont étudié l’exposition des brésiliens aux messages persuasifs liés à la fertilité dans le contexte de la visite papale dans leur pays sur les intentions de contraception et les résultats de la fécondité à long terme. Il en ressort que la persuasion a considérablement réduit les intentions individuelles de contraception de plus de 40 % par rapport aux niveaux antérieurs à la visite, et a augmenté la fréquence des rapports sexuels non protégés de 30%. A long terme, ils constatent un changement significatif des naissances, correspondant à une augmentation de 1,6 % de la cohorte de naissance agrégée.

Ce résultat scientifique est intéressant aussi bien pour le gouvernement que les partenaires techniques et financiers au chevet de la RDC. En effet, le croît démographique a été de l’ordre de 3,2% en 2021 et la taille de la population s’est élevée à près de 96 millions d’âmes selon les estimations des Nations-unies. En sus, selon les données de l’enquête MICS, l’indice synthétique de fécondité est passé de 6,7 enfants par femme en 2010 à 6,2 en 2018, preuve que la transition démographique n’a pas encore commencé de manière générale. Sans cette perspective à l’esprit, l’indice de fécondité peut aller à la hausse, compliquant à court et moyen-terme la situation sociale.

Un principe marketing dit «toute publicité est bonne à prendre.» En tant que pays, la RDC bénéficiera sans doute de l’arrivée du pape. Il va sans doute mettre du baume au cœur des catholiques, etc. Mais au-delà, il y a des choses que l’on ne voit pas prétendait l’économiste français, Frédéric Bastiat. La tripartite société civile, partenaires au développement et Etat doit avoir également un focus sur ces choses. Alea jacta est. Non, la RDC peut l’éviter ou peut capitaliser.

 

© 2023 Tokia.cd | Dieudonné Tshilombo

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